La première gorgée de soleil ( première partie )
La première gorgée de soleil* est toujours enivrante pour qui en a été privé pendant longtemps. On ferme les yeux, on renverse un peu la tête en arrière en poussant un long soupir de contentement et on offre sa peau blême à la morsure sauvage de rayons d'or. La tenue est de circonstance et adaptée aux conditions climatiques : robe fluide, short, sandales, gaze de coton ou de lin, chapeau de paille. On peut voyager léger ! * Formule en partie empruntée à Philippe Delerm
J'avais quitté des cieux très moroses assortis de températures ridiculement fraiches pour me retrouver presque 900 kms plus au sud sous un ciel d'un azur de plomb où l'intense lumière vous aveugle. Des vacances de dernière minute avec une première semaine dans l'Herault où chacun de mes pas m'a ramenée plus de trente ans en arrière lorsque je vivais dans ce département.
Comme à Pézenas par exemple la jolie petite ville où plane encore la présence de Molière. Il est dans chacune de ses ruelles ombreuses, dans l'entrebaillement des lourdes portes des anciens hôtels particuliers, dans les cartouches en bas-relief inscrites sur les façades des maisons, dans la pierre blonde ou blanche, dans les fenêtres majestueuses, dans la fraicheur secrète des cours intérieures, dans l'arrondi des voûtes, dans les contrastes saisissants entre la lumière très forte qui écrase toute couleur et la dense profondeur de l'ombre. Comme l'a dit Marcel Pagnol : " Jean-Baptiste Poquelin est né à Paris, Molière est né à Pézenas".
La guirlande de napperons tendue entre deux maisons, quelle bonne idée !
Une semaine qui s'est écoulée tranquillement entre balades, vieilles pierres, marchés, terrasses, d'Octon à Mourèze, de Clermont l'Hérault à Villeneuvette, l'ancienne manufacture royale, en passant par Saint Jean du Gard dans les Cévennes pour aller retrouver mon amie de toujours Domi - je la connais depuis que j'ai 11 ans - et avec qui le temps a passé si vite que nous n'avons même pas pensé à prendre de photos.
Et puis il y a eu le lac du Salagou. Le jour on nage dans ses eaux tranquilles. Des libellules aux ailes aussi rouges que la terre qui borde le lac se poursuivent en un ballet aérien décrivant autour de votre tête des arabesques compliquées. La baignade vous lave de tout ce que vous avez vécu durant l'année, soucis et difficultés se diluent dans l'eau jusqu'à disparaître complètement et on peine à sortir de l'eau pour prolonger encore un peu ce doux apaisement.
Le soir le spectacle est grandiose. Le soleil se couche lentement dans un flamboiement de teintes roses et le temps est soudain suspendu, à l'équilibre, sur un fil. La magie opére comme toujours. Le calme est absolu, à peine troublé par un très léger clapotis et vous vous retrouvez soudain seuls face à l'immense.
Les journées très chaudes se prolongent en longues soirées. Qu'il est bon de renouer avec l'insouciance de les passer dehors dans l'air qui vous enveloppe d'une tiédeur agréable ! Des sensations que l'on avait oubliées tant l'été s'était jusqu'alors montré récalcitrant.
A Montpellier j'avais rendez-vous un soir avec moi même, avec mes années d'étudiante, avec ma jeunesse. Place de la Comédie sous la statue des trois grâces. 1981, j'ai 17 ans et une petite robe rose. 40 ans plus tard, le même endroit et une petite robe jaune. Après ces révélations, vous aurez vite calculé l'âge vénérable que j'ai atteint et vous en aurez déduit que je ne suis plus tout à fait la petite jeunette de la première photo mais une femme que l'on qualifie de - horrible mot- mûre. Entre les deux une éclipse, une parenthèse, et le vertige vous étreint à la pensée de tout ce temps écoulé. Pourtant, dans votre tête vous n'avez pas changé ou si peu, vous avez toujours la fougue et les rêves de vos 17 ans et seule votre image vous rappelle que vous avez vieilli, inexorablement.
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A Sète les couleurs claquent, vives et franches. Les rouges et les jaunes s'entrechoquent, le blanc est plus lumineux, le bleu toujours plus intense mais il y a beaucoup trop de monde. Jusqu'à présent je n'étais venue à Sète que hors saison et ce bain de foule ne me convient pas du tout. Alors juste prendre le temps de traverser la ville , de marcher jusqu'à la mer, de s'emplir de son infini avant de reprendre la navette qui permet de traverser l'étang de Thau et revenir sur Mèze.
C'est sur son rivage que cette première semaine de vacances s'achève. Au loin Sète que l'on vient de quitter et le Mont Saint Clair où se niche le cimetière marin cher à Paul Valéry : "Ce toit tranquille,où marchent des colombes, Entre les pins palpite, entre les tombes; Midi le juste y compose de feux La mer, la mer, toujours recommencée Ô récompense après une pensée. "
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Il est temps de repartir, d'empruter une de ces routes bordées de platanes que l'on aime tant et qui vous rappellent les routes des vacances quand vous étiez enfant à l'époque où il y avait encore peu d'autoroutes et qui ont un effet quasi hypnotique et apaissant. La direction est toute trouvée : plein est vers une région chère à mon coeur , le Luberon. C'est là que je vous retrouve pour un nouveau billet dans deux ou trois jours, le temps de le rédiger.
A suivre,
M A R I E *