Les couleurs de Barcelone
( Suite du billet : My bucket list et Barcelone )
Vives, chatoyantes, éclatantes, brillantes, bariolées, diaprées, flamboyantes, éblouissantes, les couleurs se Barcelone se déclinent sur tous les modes, céruléen, céladon, rubigineux, moiré, irisé ou opalin. Elle s'exhibent dans les vitrines des boutiques, les étals des marchés et sur les tenues des barcelonaises, s'affichent sur les fresques murales et les murs des palais, se décomposent pour mieux se rassembler dans les mosaïques et le trencadis. Je ne les attendais pas, elles m'ont éblouie.
Au Palau de la musica catalana, joyau du modernisme et symbole de l'identité catalane du début du vingtième siècle, on gravit les marches du majestueux escalier, les yeux rivés aux piliers jaunes dont la transparence laisse entrevoir une tige en acier fileté, coeur de l'édifice qui pulse au gré des manifestations qu'il propose en son sein.
Plus haut, il sont happés par la- oh, combien merveilleuse- coupole renversée qui s'offre en myriade de petits morceaux de verre polychrome et dont ils ont du mal à se détacher.
Ils se promènent enfin sur les fresques et céramiques murales aux motifs floraux et s'attardent sur les vitraux de la grande salle baignée de lumière qui donne sur le balcon.
Ravissement, extase sur le balcon aux piliers fleuris ! Mais si seulement vous saviez la difficulté que j'ai eue à prendre des photos sans qu'aucune personne n'y apparaisse ! J'ai pesté, râlé - intérieurement cela va de soi - me suis offusquée à la vue de ces touristes accrochés à leur perche à selfie se prenant en photo- combien de fois ? 10 ? 20 ? - devant les piliers sans jamais leur accorder l'once d'un regard ! Quel narcissisme ! et aussi quelle prétention de croire que sa modeste personne est plus importante qu' une oeuvre d'art !
A cet instant précis, combien j'aurais aimé être seule sur ce balcon et pouvoir me nourrir sereinement de toute la beauté de ce" jardin où la nuit ne tombe jamais " ( mots de l'architecte du palais ) .
Mon immense coup de coeur fut pour la Casa Battlo. J'ai tout de suite été séduite par sa façade aux lignes ondulantes ponctuées de médaillons qui lui donnent vie en créant un effet de mouvement. Les reflets du soleil jouent avec les morceaux de verre multicolores déclinés en teintes bleutées, vertes et ocres qui forment une immense toile impressionniste. On n' est pas loin des Nymphéas de Monet. Le toit ressemble plus à un chapeau d'arlequin qu'à un toit conventionnel et laisse à penser que la maison toute entière sort d'un conte de fées. Quant aux balcons ! On peut les aimer ou les détester mais on ne peut que constater leur apparence pour le moins originale.
J'ai bien du passer deux heures à me promener de pièce en pièce, plongeant mon regard dans le bleu intense du puits de lumière au centre de la maison, rentrant dans l'intimité de la famille Battlo au début du vingtième siècle avec leur salon aux murs sinueux ornés de feuilles d'or , admirant au passage la curieuse cheminée en forme de champignon dodu du bureau. Je me suis surtout émerveillée devant les vitraux colorés des fenêtres qui s'avancent au dessus du Passeig de Gracia sans doute la plus prestigieuse artère barcelonaise ainsi que les vitraux qui ornent le haut des portes d'accès du salon , les transformant en véritables petits bijoux et dont les lignes alliées aux teintes mordorées m'ont fait penser aux oeuvres de Gustav Klimt. Bien au delà d'une simple maison, c'est d'un bijou, d'une oeuvre d'art qu'il s'agit et dont l'artiste n'est autre que le très original Antoni Gaudi. La dernière photo n'est pas de moi, il y avait tant de visiteurs qu'il m'a été impossible de faire des visions d'ensemble convenables.
La Casa Battlo est une parfaite illustration du modernisme catalan qui est l'équivalent de ce que nous nommons Art Nouveau qui fit fureur au début du vingtième siècle en mettant à l'honneur une ornementation riche principalement constitué de motifs directement inspirés de la nature. Chez Gaudi cet art prend une dimension avant-gardiste avec les revêtements aux couleurs vives du trencadis qui transmettent beaucoup de dynamisme allié à de la fantaisie. Le trencadis, ce sont ces petits morceaux de céramique ou de verre coloré disposés sur du mortier, l'une des techniques préférée de Gaudi et que l'on retrouve sur la terrasse ou sur le toit terrasse.
Le plaisir du jour fut de prendre un verre de pina colada sous ces curieuses cheminées dont la forme évoque pour moi une bande de lutins facétieux et tout près du faitage du toit qui fait penser au dos d'un dinosaure ou d'un gros animal marin.
Enthousiasmée par ce premier contact réussi avec Gaudi, j'ai le lendemain poursuivi avec la visite du parc Guell plus au nord de la ville. Cela ne devait pas être un parc à l'origine mais une cité jardin idéale , un lotissement d'une quarantaine de maisons loin du vieux Barcelone coincé dans ses remparts. Tout fut pensé et conçu pour cet but : l'aqueduc pour acheminer l'eau, l'emplacement du marché à l'ombre sous la grande terrasse bordée de bancs, la conciergerie, la maison témoin.... mais les bourgeois de Barcelone ne voulant pas être associés aux symboles indépendantistes - comme le dragon de Sant Jorge- représentés dans le parc, par peur de représailles de la part du roi, ont boudé le projet préférant s'installer ailleurs, dans des quartiers aussi plus accessibles. Deux maisons seulement furent construites, le projet abandonné et le parc rendu au public.
Impossible pour moi de faire le tour de ce parc, la chaleur était écrasante et il y avait beaucoup trop de monde. Je n'y suis pas restée assez longtemps pour en apprécier chaque recoin. Je suis néanmoins tombée sous le charme de la conciergerie avec sa cheminée en forme d'amanite phalloïde directement sortie du conte de fées Hansel et Gretel, de la maison de l'administration avec son sémaphore bleu et blanc, des murs de l'entrée, des médaillons et des bancs sineux de la place du marché avec leur revêtement en trencadis.
Ecolo avant l'heure ? Finalement l'art du trencadis n'est autre que l' art de la récupération, de la réutilisation, du recyclage, de la sublimation de matériaux ordinaires en choses extraordinaires.
Mettant mes pas dans ceux de Gaudi qui descendait tous les jours à pied de sa maison dans le parc Guell vers le chantier de la Sagrada Familia je suis partie, à pied moi aussi, découvrir l'oeuvre de sa vie, celle que tout le monde connaît. Là, je vais en décevoir plus d'un : je n'ai pas aimé. Je n'ai pas accroché du tout à ce gigantesque édifice toujours en construction. Certes, les vitraux sont beaux, certes l'art de Gaudi y est paroxystique, mais je me suis sentie perdue et pas du tout émue dans cet immense espace. J'ai eu la sensation d'être surveillée par ces espèces de gros yeux posés en haut de piliers faisant office de miradors. Je leur ai préféré cent fois les très originaux et mignons champignons cheminées sur le toit du palais Guell dans le quartier du Raval qui fut ma dernière visite avant de quitter la ville.
Barcelone valait bien des tapas ( voir billet précédent ) et la ville est arrivée à me charmer en trois petites journées à peine. Je n'ai pu m'empêcher, moi qui aime les teintes plus sourdes, plus neutres, de vouloir m'approprier un peu de cette flamboyance, de cette exhubérance colorée en rapportant dans mes bagages :
- un éventail peint à la main pour m'éventer en cas de fortes chaleurs. Il risque pas mal servir dans les années à venir si les étés sont aussi chauds que le dernier.
- Une paire de ballerines de la marque Kokua, marque barcelonaise et dont l'éventail de couleurs est tout simplement incroyable.
- Des aimants trencadis pour le souvenir de Gaudi.
- Pour finir, une paire de boucles d'oreilles pour me rappeler les pavés de Barcelone.
Bien à vous,
M A R I E *