Un teckel pour Cracovie ( suite et fin )
Dehors il fait vraiment froid et le paysage est saupoudré d'une fine couche de sucre glace qui lui donne l'aspect d'une carte de Noël. Je suis au chaud , devant mon ordinateur en proie au doute le plus existentiel qui soit et qui se fait de plus en plus lancinant : continuer ce blog ou pas. Je me rends bien compte de la désaffection qu'il suscite et cela me décourage un tant soit peu. Comme le formule si bien Philippe du blog Gris-Bleu, "Lorsque le public quitte le théâtre, le comédien n'a plus guère de raison de rester sur scène". J'avoue avoir été tentée de laisser tomber la fin de mon histoire de teckels qui semble n'avoir pas déchaîné les passions et puis je me suis dit que je devais bien la suite et fin à tous ceux qui m'avaient gentiment laissé un commentaire, à tous ceux qui avaient apprécié cette balade à Cracovie, dans ce pays finalement peu connu des Français. Ce billet sera peut-être un peu décousu, reflet de mon état d'esprit actuel mais tant pis. Aujourd'hui j'ai envie de vous parler d'art et puis aussi de campagne et bien sûr de teckels et peut-être même de Noël mais toujours avec cette envie de partager mes émotions, mes ressentis, mes coups de coeur et en espérant que vous prendrez plaisir à me lire.....
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J'aime les maisons d'artistes et d'écrivains pour le petit supplément d'âme qu'elles dégagent. Pour le bien-être qui m'envahit lorsque je les découvre, pour la beauté des lieux souvent ornés d'oeuvres d'art témoins de leur temps, pour la communion que je ressens souvent avec celui ou celle qui y a vécu. J'ai ainsi le souvenir un brin magique de la maison de Karen Blixen au Danemark, de la demeure de George Sand dans le Berry, de celles de Colette, Monet, Willliam Morris, Beatrix Potter ou d'autres et par dessus tout de celle de mon écrivain fétiche Pierre Loti avec qui l'osmose est totale et parfaite.
Celle de Jozef Mehoffer n'avait droit qu'à quelques lignes à peine dans mon guide de Cracovie mais la visite fut à la hauteur de ce que j'attendais. Un havre de paix et de verdure en plein coeur de la ville, un endroit chaleureux , une ambiance intimiste et surtout une rencontre avec le premier d'une longue série de peintres Polonais.
Avertissement avant de poursuivre la lecture de ce billet : je m'excuse à l'avance de la piètre qualité de bon nombre de mes photos, j'ai même du en emprunter certaines sur internet. Je n'avais que mon portable qui fait des photos floues dès lors qu'elles sont à l'intérieur et j'ai donc assez peu d'images des lieux qui vont suivre. Il vous faudra aller sur place pour en découvrir davantage.
Les planchers craquent, la lumière est sourde, on s'attarde sur les tableaux, les fresques et les vitraux de cet artiste qui a obtenu en 1925 la médaille d'or de l'Exposition des arts décoratifs à Paris .
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A la suite de cette visite tout s'est naturellement et logiquement enchainé. La maison de Jozef Mehoffer ne fut que le premier acte d'un parcours artistique qui mena tout d'abord au Musée National de Cracovie. Il faut passer passer outre l'aspect rebutant de cette batisse triste , héritage direct des années où l'architecture soviétique a revêtu quartiers et villes des pays de l'Est d'un uniforme gris et peu engageant. Le personnel du musée semble avoir lui aussi hérité de cette sinistrose et se montre particulièrement froid avec les visiteurs ce qui n'est pas le cas partout ailleurs.
Pour une personne qui se targue d'être amateur d'art sous toutes ses formes, la visite du musée m'a bien vite permis de me rendre compte que je n'avais aucune connaissance sur l'art polonais. Dans la galerie dédiée aux peintres du 20ème siècle et aux artistes du mouvement Jeune Pologne, aucun nom ne me disait quelque chose. J'ai tour à tour découvert Olga Boznanska et sa fille aux chrysanthèmes, Zofia Stryjenska, Leopod Gottlieb, les paysages de Ferdinand Ruscsyk, la femme à la chevelure rousse de Wladyslaw Slewinski, la petite Hélène du grand Stanislas Wypianski et tant d'autres. Des oeuvres qui mériteraient largement une exposition en France afin qu'elles soient appréciées chez nous à leur juste valeur.
Dans bon nombre de ces tableaux j'ai retrouvé ce que j'aime chez les peintre Scandinaves et dont ces artistes Polonais me semblent assez proches, cette nature sauvage et omniprésente, des teintes bleutées, des portraits de femmes et d'enfant si émouvants.
"L'art n'a pas de but, il se suffit à lui même, il est l'absolu car il est un miroir absolu de l'âme". "Un artiste n'est régi par aucune loi et aucun pouvoir humain ne saurait le limiter." Stanislas Przybyszewski
Bon à savoir :1 Si vous êtes plus attirés par les peintres de la Renaissance Italienne , se rendre au Musée des Princes Czartoryski pour y admirer "La dame à l'hermine " de Léonard de Vinci. 2 Beaucoup de tableaux à admirer également lors de la visite de la maison Hippolit sur le Rynek . 3. Pour d'autres styles de peintures, Cracovie héberge encore beaucoup d'autres musées que je ne suis pas allée voir.
L'acte suivant du parcours artistique fut la très intéressante visite de l'atelier- musée du vitrail. Plus vieil atelier de Pologne, fondé en 1902 et dont les productions ornent des édifices religieux un peu partout en Europe. On voit tout, du choix des couleurs à la découpe, du patronnage à la coupe et au montage, de l'encadrement à la peinture des visages en employant la technique de la patine pour finir par la cuisson. Juste une petite chose à savoir : pour la réalisation d'un visage il faut au strict minimum 7 couches de patines, parfois le double et entre chaque couche 12 heures de cuisson. Calculez........sans commentaire.
Très vite lorsqu'on est à Cracovie, on se rend compte que l'art du vitrail y est omniprésent, on peut même suivre un parcours des différents vitraux de la ville, ceux que l'on trouve, hormis églises et basiliques, au détour d'une rue illuminés à la nuit tombée, dans une banque, un café ou une compagnie d'assurance. Ceux de Jozef Mehoffer s'admirent dans la Chapelle de la Sainte Croix de la Cathédrale du Wavel . Et puis surtout ne pas oublier de se rendre à la très belle Basilique des Franciscains dont la voûté étoilée s'offre telle un ciel nocturne et dont les murs sont ornés de fresques florales très Art Nouveau, un mouvement artistique à l'instar du mouvement Arts and Crafts en Angleterre que j'ai toujours beaucoup aimé.
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Changement de décor, sans transition et comme annoncé au début du billet, je vous emmène à la campagne. Pas très loin de Cracovie, une trentaine de kilomètres suffisent déjà à être dépaysé. Concocter un petit circuit d'une journée dans ce que l'on nomme le Jura Polonais. On traverse le parc naturel d'Ojcow pour aller visiter le château de Pieskowa Skala ( beaux tableaux, beaux costumes )en face du rocher surnommé fort à propos La massue d'Hercule . Puis ce sont des forêts majestueuses aux couleurs automnales. On traque à tour de rôle, les maisons anciennes en bois, les églises typiques comme l' église en bois de Paczoltowice , les nids d'aigle, ces forteresses édifiées dans des temps anciens par le roi Casimir - par exemple le château de Rabstyn ou celui de Tencsyn - et on s'étonne de trouver une mer de sable - désert de Bledowska - en plein milieu de cette région très boisée. Les villages ont un petit côté désuet et on se sent très vite loin du monde moderne, dans une Pologne plus ancienne où la vie s'écoule le plus calmement qui soit.
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Après la lecture de mes deux billets , vous aurez probablement compris que d'une part j'ai vraiment apprécié ce séjour Polonais, d'autre part, qu'au fond de ma tête, me titille l'idée que peut-être, éventuellement, qui sait, je pourrais un jour y retourner pour en voir plus, mais là rien n'est moins sûr tant j'ai d'autres endroits à aller voir.
Le voyage prenant fin ici je veux boucler la boucle et revenir à mon point de départ : les teckels. J'étais venue à Cracovie à cause d'un film mettant en scène l'un d'entre deux et je l'avais presque oublié lorsque le quatrième jour de mon séjour, j'ai vu en vitrine des teckels en céramique. J'ai ri et pensé " Le voilà mon teckel ! ". J'ai beaucoup moins ri le lendemain matin lors de la visite d'une maison bourgeoise du dix-neuvième, lorsque j'ai vu un tout petit teckel lui aussi en céramique, dressé sur ses pattes arrière qui me regardait d'un air malicieux. J'ai carrément été estomaquée lorsqu'à peine quelques minutes plus tard je suis tombée en arrêt devant le panneau ci-dessous. Pendant une fraction de seconde j'ai presque pris peur et me suis demandé ce que cela signifiait. Etais-je à mon insu victime d'une sorte de conspiration canine ?
Heureusement qu'il y a ce truc qui s'appelle internet et que partout dans le monde, à la condition d'avoir du réseau, en quelques clics on a réponse à tout ou presque. J'ai tapé teckel + Cracovie et j'ai trouvé. Le teckel était un chien très prisé à la cour des rois Polonais car il chassait blaireaux et lapins. Mais plus encore : la Pologne est un pays emblématique pour tout amoureux de teckel qui se respecte car chaque année depuis 1994 est organisée à Cracovie, cela ne s'invente pas, la Grande Parade des Teckels ou Dachshund Parade rassemblant des centaines de " chiens-saucisses" du monde entier dont certains portent des costumes originaux et à l'issue de laquelle des prix sont décernés. En voici pour preuve ce documentaire.
De retour en France, et forte de ces nouvelles connaissances, je pensais que mon histoire s'arrêterait là. Que nenni ! Depuis je vois des teckels partout, aux endroits les plus incongrus, là où je ne les attends pas. Ils me regardent à chaque fois de leur oeil goguenard histoire de me déstabiliser encore un peu plus. Dernier en date: lorsque j'ai ouvert l'un de mes magazines préférés, Nordique Living, ils étaient là, et s'affichaient en pleine page en forme de sablés de Noël . Je n'ai fait ni une ni deux, pour exorciser cette histoire, j'ai immédiatement commandé l'emporte-pièce teckel ( site Bredele ). Et aujourd'hui je vous propose de croquer à belles dents dans mes sablés teckels de Noël !
Au final, j'en suis venue à aimer ce petit chien que je trouvais jusqu'alors fort ridicule , ne serait-ce que parce que c'est grâce à lui que j'ai découvert Cracovie. Alors, à vous aussi, je souhaite un jour de visiter cette très jolie ville, avec ou sans teckel....
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Vous retrouverai-je en 2023 ? Je ne le sais pas encore mais quoiqu'il arrive je souhaite à vous tous mes chers lecteurs et lectrices de passer de très belles fêtes de fin d'année !
Je vous embrasse chaleureusement
Marie*
PS : Information de dernière minute. Mon amie d'enfance Monesille, m'a envoyé un lien vers un article de Géo dans lequel on apprend que des ossements de teckels ont été retrouvés lors des fouilles du Colisée à Rome. Je cite
" Dans les égouts vieux de deux millénaires sous le Colisée, des archéologues ont déniché de courts os de "chiens saucisses. Ils suggèrent ainsi que ces animaux auraient pu être mis en scène ou avoir combattu dans l'arène, dans les illustres jeux romains antiques dont le spectacle était la mort."
Peut-être devrais-je songer sérieusement à rédiger une thèse sur les teckels ? 🤔